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JO 2030 : fuite en avant autoritaire sur fond d’effondrement planétaire
« Les JO d’hiver dans les Alpes françaises en 2030 ? Alors que nos montagnes souffrent déjà deux fois plus du changement climatique et que le vivant s’effondre partout, on peut légitimement en tant qu’élu.e.s de ces territoires se poser la question de la pertinence de cette fuite en avant évènementielle et demander à minima qu’un référendum soit organisé.
« Panem et circenses », « du pain et des jeux », cette expression attribuée au poète latin du 1er siècle Juvénal désignait la façon dont les dirigeants de l’Empire romain tentaient d’endormir le peuple par les Jeux du Cirque et la nourriture afin que celui-ci ne se préoccupe pas trop des problèmes politiques de son temps. Puis l’Empire s’effondra. Voyageant à travers les siècles, cette expression semble on ne peut mieux décrire toute la séquence actuelle autour de l’enthousiasme grossièrement mis en scène que suscite la probable attribution des Jeux Olympiques de 2030 dans nos Alpes.
Le 29 novembre dernier, le Comité international olympique (CIO) a indiqué que seule la candidature française était retenue pour l’organisation des JO d’hiver de 2030. Et les deux Présidents des régions concernées, Laurent Wauquiez pour Auvergne-Rhône-Alpes et Renaud Muselier pour Provence-Alpes-Côte-D’azur, de se gargariser dans la presse de cette « victoire », le premier qui allait jusqu’à promettre de « devenir la première montagne durable au monde pour les JO 2030 » [1]. Rien que ça !
N’en déplaise à nos deux proconsuls des alpages, les Jeux olympiques tels qu’ils existent actuellement n’ont absolument rien de « durable » et l’année 2030 apparaît à la fois très proche et pourtant bien incertaine. Alors il convient de le marteler une fois de plus : le système Terre est en voie accélérée d’effondrement global à cause des activités humaines. Nous apprenions en mai dernier que sept des huit limites planétaires étaient désormais dépassées [2].
Un diagnostic extrêmement grave qui remet en cause à court terme les conditions globales de survie à la fois des êtres humains mais également de l’ensemble des espèces. Il ne s’agit pas que de lutter contre le changement climatique mais bien de transformer radicalement l’ensemble de notre modèle économique à l’échelle planétaire. Ce n’est pas une lubie d’écologistes mais un fait scientifique établi qui devrait mobiliser immédiatement toutes nos énergies. L’année 2030, si elle doit être évoquée, ce devrait être prioritairement pour mettre en œuvre les 17 Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 des Nations Unies [3], adoptés par la quasi-totalité des États de la planète en 2015, la même année que l’Accord de Paris sur le climat. Alors qu’ils nous obligent, ces ODD sont pourtant totalement absents du début public français.
On préfère se concentrer sur ces Jeux olympiques d’hiver en espérant d’illusoires lendemains qui chantent alors qu’aujourd’hui même, les jeunes générations pleurent, souffrant de plus en plus d’éco-anxiété [4]. Sans parler de la précarité et des inégalités qui explosent actuellement et qui devraient être au cœur des préoccupations des pouvoirs publics. Rien qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, environ un million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont un enfant sur cinq. Des Jeux sans même du pain ?
Dans les années qui viennent, il va malheureusement falloir faire des choix drastiques, comme durant la pandémie, entre ce qui est « essentiel » et ce qui ne l’est pas. En montagne, milieu spécifique de plus en plus fragilisé, le climat se réchauffe deux fois plus vite [5] et avant de penser au ski, il faut garantir l’accès à la ressource en eau pour les habitant.e.s. Alors que l’enneigement va se faire de plus en plus rare et aléatoire, dépenser des millions d’euros dans des canons à neige est totalement absurde aujourd’hui et sera criminel demain.
Finalement, rien d’étonnant que les Alpes françaises soient désormais seules candidates à accueillir les JO 2030 si l’on prend en compte l’aspect démocratique. En effet la Suède et la Suisse, les deux autres candidates écartées par le CIO, ont une forte tradition de consultations publiques. En Suisse, on vote quasiment tous les trois mois, et en Suède, lorsqu’on demande son avis au peuple, on a tendance à en respecter la décision, comme lorsque les Suédois n’ont pas voulu entrer dans l’Euro en 2003. Dans la France de la 5e république, on ne mange pas de ce pain-là ! Le dernier référendum à avoir eu lieu date de 2005 et la réponse n’a pas plu. Alors depuis, on ne s’embarrasse pas de donner la parole au peuple. C’est sans doute cet aspect qui a séduit le CIO [6]. Chez nous on peut compter sur un processus décisionnel plus autoritaire et une police aux ordres [7] qui ne se verront pas perturbés par un référendum. Et c’est bien dommage ! Alors que les premières manifestations locales contre ces jeux s’organisent [8], la moindre des choses sur un tel évènement serait de demander à la population son avis, comme le réclame notamment l’association Résilience Montagne et un certain nombre de collectifs et de personnalités [9].
Si par ailleurs on commençait réellement à prendre à bras le corps la justice climatique et sociale, peut-être pourrions-nous imaginer des Jeux Olympiques réellement durables. Mais quand on voit ce qui se passe pour les JO de l’été prochain à Paris, entre gabegie budgétaire et exacerbation de tensions sociales déjà difficiles, cet espoir semble relever de l’illusion. Alors certes, si « Paris vaut bien une messe », nos montagnes méritent mieux que ces grands évènements du monde d’avant. Une fois de plus, il va falloir se lever et se battre contre toute cette absurdité. »
Benjamin Joyeux, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes (Haute-Savoie)
Myriam Laïdouni, conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes (Isère)
Pierre Janot, conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes (Isère)
[1] Lire https://c.ledauphine.com/environnement/2023/12/02/laurent-wauquiez-devenir-la-premiere-montagne-durable-au-monde-pour-les-jo-2030
[2]Lire https://reporterre.net/Sept-des-huit-limites-planetaires-depassees-un-diagnostic-tres-grave
[3] Voir https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/developpement/l-agenda-2030-du-developpement/article/l-agenda-2030-et-les-objectifs-de-developpement-durable-odd
[4] Voir notamment https://www.mutualite.fr/actualites/58-des-jeunes-francais-sont-eco-anxieux/#:~:text=Plus%20d’un%20Fran%C3%A7ais%20sur,Lancet%20Planetary%20Health%20en%202021.
[5] Voir https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/dossiers-thematiques/milieux/montagne
[6] On ne le saura pas car c’est totalement opaque. Lire https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-l-etranger-la-france-seule-en-lice-pour-les-jo-d-hiver-2030-l-aboutissement-d-un-processus-opaque
[7] On l’a encore vu lors des Gilets Jaunes ou des récentes manifestations contre la réforme de retraites.
[8]https://www.francebleu.fr/infos/societe/a-albertville-ils-manifestent-en-tenue-de-ski-contre-les-jo-d-hiver-2030-7633749
[9] Lire https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/12/nous-reclamons-un-referendum-sur-la-candidature-des-alpes-francaises-aux-jeux-olympiques-d-hiver-2030_6193933_3232.html
&
Cordialement
Des pays intelligents et démocrates refusent l’aberration tous azimuts des JO … Laurent Wauquiez et Renaud Muselier se vautrent dans l’ignorance des réalités scientifiques & l’autoritarisme et persistent à « servir la soupe » aux lobbys qui les ont mis au pouvoir.
Mais restons optimistes : « Puis l’Empire s’effondra » ! A la fin c’est la Nature qui gagne, toujours …
Vous pouvez signer la pétition et soutenir le collectif NoJO.
Cf. aussi : Halte aux Jeux ! – Collectif No JO d’hiver 2030 en PACA & AURA
