Le monde est un théâtre dont la scène est la conscience universelle qui joue aussi à être à la fois les acteurs et les spectateurs. Elle est aussi la mise en scène et la direction artistique (sûtradhâra, « celui qui tient le fil »). En tant qu’acteur, je suis tout et je participe à l’extase créatrice. En tant que spectateur, je ne suis rien ni personne et je goûte le repos de tout cela en moi, conscience infinie. Abhinavagupta rend hommage à ce miracle créateur :
saṃsāranāṭyanirmāṇe yāvakāśavidhānataḥ /
pūrvaraṅgāyate vyomamūrtitāṃ śāṅkarīṃ numaḥ //
« Nous saluons cette énergie divine,
cristallisation de l’espace (de la conscience),
qui agence la scène de cette création
qu’est le drame du monde en lui donnant lieu. »
Abhinavagupta, Le Nouvel art dramatique (Abhinavabhâratîm), I, p. 207
« En lui donnant lieu » : l’espace de la conscience « donne lieu » au spectacle du monde, de même que le metteur en scène « donne lieu » à sa création théâtrale en agençant une scène. La conscience, comme l’espace et comme une scène, « donne lieu » à toute chose. « Donne lieu », en sanskrit : avakāśa, proche d’ākāśa « espace » et prakāśa « lumière » de la conscience, « manifestation ».