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La marche sur les abîmes


Merci à Cédric pour cet extrait d’un livre de Christian Bobin.

Il y a en effet des ressemblances avec la vision sans tete, surtout quand il écrit:

« derrière mon visage, il n’y avait plus personne. »

Mais il en parle comme d’un expérience passagère, alors qu’elle peut devenir permanente.

Il compare ce vide à la mort.

Je crois que beaucoup ont peur de cette absence, de ce vide.

Pourtant cette absence s’ouvre à la présence de la joie (comme Bobin parlait de l’homme-joie)

Jlr

 

 

 

 

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Vendredi 29 novembre

Dix-neuf heures, gare de Chalon-sur-Saône.

La cigarette que je fumais a mis plus de temps à disparaître que moi : en une seconde, le passé et l’avenir se sont effondrés comme un échafaudage mal assuré, mis bas au premier coup de vent. Plus rien que le présent, et dans le présent, du blanc, le vide. Aucune cause apparente. Aucune explication à ce désastre intime. Cela s’est vu. Quelqu’un m’a demandé : qu’est-ce qui t’arrive ? Je n’ai pas su répondre. La question n’était pas la bonne. Il ne m’arrivait rien, justement : plus rien ne m’arrivait et, derrière mon visage, il n’y avait plus personne. J’avais si peu de consistance que les voyageurs auraient  pu me traverser sans s’en rendre compte. 

Le réel épais et solide est revenu au bout d’une heure. Il finit toujours par revenir. C’est une épreuve que je connais, de loin en loin. Le funambule doit éprouver le même vertige quand, les yeux bandés, il pose un pied tendu sur le filin d’acier et ne rencontre que l’air. Un vif mouvement des épaules et la chute est évitée, l’équilibre rétabli. La marche sur les abîmes peut continuer. Elle en devient même plus dansante : tutoyer sa propre mort rend allègre.

Christian Bobin





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