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Se faire transparent



Prenons le temps de lire posément ce texte hors du commun :

 « Plus les choses sont simples, plus elles sont pures et plus elles ont d’étendue. Rien de plus simple que l’eau, rien de plus pur ; mais cette eau a une étendue admirable à cause de sa fluidité. Elle a aussi une qualité, que, n’ayant nulle qualité propre, elle prend toute sortes d’impressions. Elle n’a nul goût et elle prend tous les goûts, elle n’a nulle couleur et elle prend toutes les couleurs. L’esprit et la volonté, en cet état, sont si pures et si simples que Dieu leur donne telle couleur et tel goût qu’il lui plaît, comme à cette eau, qui est tantôt rouge, tantôt bleue, enfin imprimée de telle couleur et de tel goût que l’on veut lui donner : il est certain que, quoique l’on donne à cette eau les diverses couleurs que l’on veut à cause de sa simplicité et pureté, il n’est pourtant pas vrai de dire que l’eau en elle-même ait du goût et d ela couleur, puisqu’elle est de sa nature sans goût et sans couleur, et c’est ce défaut de goût et de couleur qui la rend susceptible de tout goût et de toute couleur. C’est ce que j’éprouve de mon âme : elle n’a rien qu’elle puisse distinguer ni connaître en elle ou comme à elle, et c’est ce qui fait sa pureté. Mais elle a tout ce qu’on lui donne et comme on lui donne, sans en rien retenir pour elle. Si vous demandiez à cette eau quelle est sa qualité, elle vous répondrait que c’est de n’en avoir aucune. Vous lui diriez : « Mais je vous ai vue rouge !e – Je le crois, mais je ne suis point rouge ; ce n’est pas ma nature. Je ne pense pas même à ce qu’on fait de moi, à tous les goûts et à toutes les couleurs qu’on me donne. » Il en est de la forme comme de la couleur. Comme l’eau est fluide et sans consistance, elle prend toutes les formes des lieux où on la met, d’un vase rond ou carré. Si elle avait une consistance propre, elle ne pourrait prendre toutes les formes, toutes les odeurs, tous les goûts et toutes les couleurs. »

Madame Guyon, Lettre à Bossuet, 1694, soit l’année où meut Simon de Bourg-en-Bresse, auteur des Saintes élévations de l’âme à Dieu, extraordinaire manuel de vie intérieur que je vais bientôt publier.

Ce passage explique que, si je ne suis rien, je puis tout devenir. Cependant, je ne suis pas exactement « rien » : plutôt, je suis incolore. Mais je suis. « Je suis » est conscience, comme un cristal limpide qui paraît rouge quand on le pose sur du rouge. Cette illustration est classique en Inde. 

Je suis conscience, lumière incolore, capable de se manifester de  toutes les manières possibles, les pires comme els meilleures. Tel serait, selon Pic de la Mirandole dans sa fameuse Lettre sur la dignité de l’homme, le fond de la valeur de la personne : l’âme n’est rien en propre, elle peut donc assumer toutes les personnes, comme le cristal peut assumer toutes les couleurs parce qu’il n’en a aucune. Voilà pourquoi nous avons l’impression de pouvoir subir n’importe quel conditionnement, sans que cela nous transforme vraiment. Pour le meilleur comme pour le pire. Parce que je ne suis aucune forme, je peux toutes les voir, c’est-à-dire les accueillir en moi, qui si espace voyant. 

Pour que cette transparence devienne bonne, il faut se tourner vers Dieu. Autrement dit, il faut encore que l’espace voyant que je suis se réalise précisément comme cet espace transparent, libre de toutes les couleurs, libre pour toutes les couleurs. La promesse spirituel est que cet abandon en totale transparence ne sera pas pour le pire, mais bien pour le meilleur. 



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Rédiger par Blog de David Dubois

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