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Pratique du zen vivant, « exposé » 14 – Jacques Brosse – VOLTE & ESPACE


Rappel : « Pratique du zen vivant »  relate les alternances d’exposés (« teishô »), suivis de questions & réponses, de treize sessions intensives de zazen dirigées par Jacques Brosse entre le 26 décembre 2000 et Pâques 2004.

Je présente lors de la séance hebdomadaire de Méditation dans l’esprit du zen & sur ce site quelques points saillants de ces exposés, bien entendu en lien direct avec la pratique de la Vision du Soi selon Douglas Harding. Libre à vous de déposer ensuite vos questions et/ou commentaires, de lire (et relire …) ce livre de Vie. Je me permets cependant de vous recommander de le lire pour vérifier si « les experts ont bien “pigé le truc” ».


  1. « Notre zazen à nous … est le shikantaza (« rester assis sans rien faire ») de Dôgen Zenji, le zazen de Kôdô Sawaki et de son disciple, Taisen Deshimaru, qui me l’a transmis. Où situer shikantaza parmi les cinq catégories du zen, telles qu’elles furent établies par un ancien maître chinois du tch’an, Kuei-feng Tsong-mi [en anglais, désolé] … ? » Il me semble que, justement, la pratique du zen & de la Vision du Soi dissous en quelque sorte tous les déterminants possessifs. Qu’elle fait accéder à un en-deçà commun et mystérieux où plus aucune appropriation personnelle n’est possible, où une universelle communion s’impose naturellement … Vérifiez ! Il me semble aussi que cette traduction classique de shikantaza est un peu réductrice : demeurer dans l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que « Je Suis » est … une pratique intense dans un esprit de détachement !
  2. « Ces cinq catégories … ont été remises à l’honneur comme très utiles à notre temps par le grand maître Yasutani Rôshi [encore en anglais, désolé, mais l’article wikipedia français est vraiment trop partiel]… très importantes pour ses disciples occidentaux. Je le pense aussi, mais je tiens à préciser que ces catégories ne sont nullement étanches ni définitives. … Toujours est-il que, parmi les méditants, chacun pratique en fonction de ses vues personnelles et surtout de son objectif propre, le plus souvent à son insu. » Encore des distinctions de temps et de lieu, alors que la pratique du zen & de la Vision du Soi permet de s’établir & de demeurer dans un en-deçà du temps & du lieu, un espace libre de toutes « catégories ». Une fois de plus, vérifiez ! Étonnant aussi de trouver ici cet « objectif propre » : certes l’individu fonctionne rarement sans objectif, mais le zen se veut dès l’origine « mushotoku : sans but ni esprit de profit ». Ce mot ne figure pas dans le glossaire pourtant très complet du livre de Jacques Brosse … ? Celui de l’Association Zen Internationale le définit ainsi : « Sans recherche de profit personnel, qu’il soit matériel ou spirituel. Zazen se réalise lorsque l’esprit est mushotoku, sans but, sans intention, sans calcul. Il n’y a rien à rechercher, rien à obtenir. L’univers entier fonctionne sur le mode de mushotoku. » Le seul lieu permettant ce mode de fonctionnement est – à mon humble avis – le « Je Suis » central. Mais … vérifiez !
  3. – 1. « Le Bonpu-zen … de l’homme ordinaire … ne se soucie ni de spiritualité ni de religion … Zazen n’est plus qu’une technique reposant sur la posture et la respiration, dont le seul but est de retrouver l’équilibre physiologique et psychique. Il n’est pas question ici de l’Esprit, mais du mental. C’est de ce zen-là que l’on parle dans le monde, dans les médias et même dans la publicité. S’agit-il encore de zen ? Certainement pas.«  Rien à ajouter, si ce n’est que une très large part de ce qui est aujourd’hui vendu comme yoga, qi gong, taïchi, … relève de cette catégorie-là. ! Et peut-être aussi que cette technique ne fonctionnera guère, juste un peu à la marge. Que « l’équilibre physiologique et psychique » ne saurait être retrouvé qu’en pratiquant à un niveau autre, infiniment plus vaste, celui de l’Esprit justement. Vérifiez !
  4. – 2. « Le Gedo-zen … il s’agit donc de développer le pouvoir psychique personnel, l’énergie dynamique résultant de la concentration mentale … ce qu’on appelle la maîtrise de soi. … Ce Gedo-zen demeure extérieur au bouddhisme. … » Une technique pour développer des pouvoirs : pourquoi pas après tout, mais il s’agit de développement personnel, pas de zen, pas de chemin spirituel.
  5. – 3. « … le Shôjô-zen … correspond à l’idéal du Hinayâna … celui qui parvient à sa libération personnelle … » Un écho de la bisbille historique entre le Petit Véhicule et le Grand, le Mahayâna.
  6. – 4. « … le Daijô-zen a en principe pour objectif de parvenir au kenshô, mot qui … désigne la « vision de l’essence », c’est-à-dire la perception de notre nature de Bouddha, ce qui est, mais qui n’est que, l’annonce de l’Éveil, sa promesse, une ouverture vers, qu’il ne faut pas confondre avec l’Éveil lui-même. C’est là ce qui arrive fréquemment dans le Rinzai. On a cet éclair de lucidité, et l’on croit que l’on est parvenu au bout du parcours, alors qu’il ne fait que commencer. Cela arrive … aussi dans le Soto … » Vous vous en doutez certainement, je ne suis pas tout à fait d’accord avec la formulation de Jacques Brosse. Je suis certain que la totalité de l’éveil a lieu lors de la « vision de l’essence », qu’il ne manque absolument rien. C’était aussi le constat de Chen-huei : « La vue de la nature de Bouddha survient brusquement. La grande sagesse s’accroît ensuite d’elle-même ». Mais effectivement ce n’est que le début puisqu’il va falloir ensuite persister à « coïncider silencieusement » avec cette nouvelle façon de voir, de se voir, de tout voir. L’éveil subit comme prélude à une « discipline assidue ». Vérifiez !
  7. – 5. « … le Saijôjô-zen … c’est shikantaza, être seulement assis sans rien faire, sans rien chercher, sans rien attendre, sans rien espérer. … c’est pratiquer zazen, sans autre but que zazen lui-même, se laisser faire par lui. Ce n’est plus vous qui faites zazen, c’est zazen qui vous fait, qui vous remodèle. … c’est découvrir pleinement, définitivement notre Nature de Bouddha, notre visage originel, tel qu’il était avant notre naissance, tel qu’il sera après notre mort, et nous identifier avec ce qui est notre être d’éternité, comprendre qu’il s’agit de notre véritable moi, et en jouir. … le zen de l’Éveil silencieux, dans lequel l’Éveil est « silencieuse coïncidence » ainsi que l’a si justement défini le grand maître tch’an Houang-po. … » Puisque l’étape précédente – la « vision de l’essence » – a eu lieu, que pourrait-il y avoir encore à « faire, chercher, attendre, espérer » ? Désormais tout est (re)devenu simple : « la pratique c’est l’Éveil, l’Éveil c’est la pratique », comme l’a si bien formulé Dogen. Il me semble aussi que cela rejoint la judicieuse réflexion de Douglas dans « Objections et réponses » – 3 : « Cette voie n’est pas une solution de rechange qui rendrait inutile toute méditation sérieuse. Elle ne nous dispense pas d’un travail convaincu et continuel sur nous-même, mais au contraire elle nous y stimule puissamment. » Donc … au boulot !

NB : dans le « mondô » qui s’ensuit, Jacques Brosse est excessivement dur avec un « zen occidental » : « A quoi pourrait bien nous servir un zen occidentalisé, donc édulcoré et même dénaturé ? Le zen est par essence révolutionnaire et c’est en tant que tel qu’il peut nous être utile. Le zen est universel, ni asiatique ni européen. Il est sauvage, on ne l’apprivoise pas. » Ce « donc » me semble indigne de la qualité habituelle de réflexion de cet auteur.

Je fais souvent référence ici au site « Un Zen Occidental », nullement « édulcoré » ni « dénaturé », mais au contraire un véritable trésor de ressources de qualité. J’ai découvert plus récemment le site « Un Zen méridional », qui me semble s’inscrire dans la même veine. Et s’il parait difficile de qualifier la Vision du Soi selon Douglas Harding de « zen paradoxal » – puisqu’en réalité l’ensemble du tch’an & zen baigne dans le paradoxe depuis le début – il est possible de l’évoquer comme « zen acéphale » ! En rupture totale avec ce qu’il faut bien appeler une « imitation du zen », dénoncée comme telle par les maîtres japonais eux-mêmes, Douglas Harding en a renouvelé l’esprit et facilité l’accès, à un moment où le monde entier en a désespérément besoin :

« D’ailleurs, ce qui nous concerne ici, ce n’est pas tant le zen traditionnel que son esprit éternel et universel, un esprit éternellement fertile en renouvellements imprévisibles. »

Vivre Sans Tête


Cordialement



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