dans ,

Le rien et le tout


Voici un extrait de mon livre, L’éveil spirituel, tiré du chapitre sur l’éveil et les obstacles

(repost)

 

jose-le-roy-eveil

 

 

« Je voudrais accorder une importance toute particulière à un obstacle dont j’ai déjà parlé plus haut mais qui me paraît essentiel parce que c’est une difficulté que j’ai rencontrée moi-même.

Le premier pas important est de découvrir la vacuité, la présence sans ego, l’écran impersonnel. Tel est l’éveil. C’est simple, direct et souvent soudain. Mais ce n’est encore qu’une étape. Car le Rien ainsi découvert doit reconnaître son identité avec le Tout. Dans le Soutra du Coeur, qui est un texte bouddhiste essentiel, on lit que : « Le vide c’est les formes et les formes sont le vide. » Autrement dit, la vacuité (ou le Soi, ou la Présence, ou la Conscience pure, etc.) n’est pas différente, ni séparée du monde. Ce serait une erreur de rester en quelque sorte bloqué dans la vacuité et de refuser le monde. Il s’agit, comme l’écrit ici Ken Wilber, d’être la vacuité qui embrasse toutes les formes :

 « Ainsi l’appel des traditions non duelles est le suivant : demeurez comme Vacuité, embrassez toutes formes. La libération se trouve dans la vacuité, jamais dans la Forme, mais la Vacuité embrasse toutes les formes comme le miroir tous ses objets. Ainsi les Formes continuent de naître et au son d’une main qui claque1, vous êtes toutes ces Formes. Vous êtes la manifestation. Vous et l’univers vous êtes la Saveur Unique. »2

 Je peux d’autant mieux décrire cette illusion que j’ai moi-même été fasciné par le vide que j’avais découvert avec l’éveil. Seul le vide, l’espace, la nue conscience m’intéressaient ; le monde, le plein, les formes, tout ce qui venait remplir l’espace de la conscience m’apparaissait de trop ; mon humanité surtout me gênait. Je pensais qu’avec l’éveil, elle allait disparaître. La figure de Ramana Maharshi, en méditation à 19 ans devant sa grotte sur le flanc de la montagne d’Arounachala, le regard perdu dans le lointain, me semblait un idéal à copier ! Fidèle à cet objectif de sérénité que je m’étais fixé, j’abandonnais mon métier de professeur de philosophie, je vendais tous mes livres, et rêvais de renoncement.

 Combien je fus surpris de découvrir après l’éveil que j’avais encore des émotions, et davantage même. J’éprouvai encore du désir sexuel, de la tristesse, de la colère… Mon humanité m’avait suivi dans l’éveil, et non seulement elle, mais aussi ma singularité, ma « joséité », si je puis dire. Les désirs qui demeuraient étaient encore ceux de José et non ceux d’un autre. Je mis du temps à l’accepter. Et je mis du temps aussi à comprendre qu’on ne peut avoir le vide sans le plein, la conscience sans les formes, et que fuir le monde pour gagner l’espace consistait à recréer au sein de l’expérience une nouvelle dualité, subtile mais terrible, entre le vide et les formes. J’appris à mes dépens que refuser le monde n’est pas le chemin de la sagesse.

L’éveil n’est pas une fuite du monde, c’est une vie intégrale qui embrasse tous les aspects de l’existence. Le vide n’est ni un espace où se réfugier des menaces du monde, ni un contenant distinct du contenu ; l’espace constitue une unité avec le monde ; la conscience est conjointe avec les appa­rences. L’humanité ne constitue pas une erreur dont il faut expurger la conscience, mais une de ses plus précieuses expressions que nous pouvons aimer et dont nous devons prendre soin. Je pense que les idées que j’avais sur l’éveil moi-même quand j’ai découvert la spiritualité, et les rêves que je projetais sur lui ne me rendirent pas la vie très facile au début.

Douglas Harding exprime à la perfection cette union, du vide, et du tout dans cette phrase :

« Notre nature éternelle et toujours accessible est d’être RIEN et TOUT, NON-CHOSE et TOUTES CHOSES. »

 

 

1. Allusion à un koan zen célèbre.

 2. Ken Wilber, Une brève histoire du tout, cité par Franck Visser, Ken Wilber, la pensée comme passion, Almora, 2010.





Source link

Qu'en pensez-vous?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Rédiger par Eveil et philosophie

Je suis le rire même

Laurent Levy – Le monde est ce que nous voulons qu’il soit